Avis d'expert

Le développement de la mémoire : que montrent les études ?

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En 1,2,3 mots : la mémoire est impliquée dans de nombreux processus qui nous construisent (lecture, langage, expérience…). La mémoire est cependant composée de nombreuses sous-parties qui peuvent être améliorées sous certaines conditions. La mémoire étant fortement sollicitée, surtout à l’école, il peut être utile de comprendre comment cela fonctionne pour pouvoir l’utiliser au mieux. 

La mémoire interagit avec des nombreuses autres régions du cerveau

À la lumière des neurosciences nous ne possédons pas qu’une mémoire mais des mémoires. Elles ont plusieurs formes, plusieurs caractéristiques bien particulières et comme beaucoup de processus neuronaux elles mettent en jeu plusieurs régions cérébrales.

L’hippocampe, le cortex préfrontal, l’amygdale, sont d’autant de régions qui interagissent entre elles pour faire fonctionner les différents types de mémoire. On tend à spécialiser les régions en fonction du type de mémoire, l’hippocampe pour la représentation spatiale et contextuelle, l’amygdale pour la mémoire liée aux émotions, le cortex préfrontal pour les souvenirs dans un cadre scolaire ou professionnel.

Un enfant s'aprête courageusement à taper un autre enfant plus grand que lui

Les émotions ont un impact sur la capacité à se souvenir et la mémoire ravive les émotions

Si chacune de ces zones du cerveau joue un rôle spécifique, il ne faut pas oublier qu’elles sont reliées entre elles et qu’elles changent selon qu’on soit en train d’encoder un souvenir pour la première fois, de le renforcer ou de se le rappeler. C’est ce qui explique qu’un lieu spécifique (la maison de son enfance par exemple) puisse nous provoquer des émotions spécifiques. Nous nous souvenons plus facilement de ce lieu grâce aux émotions heureuses qu’il a provoqué (encodage) mais c’est le phénomène inverse qui se produit par la suite : voir ce lieu ravive les émotions positives auxquelles il est associé.

3 catégories de mémoire : comment ça marche ?

On peut diviser la mémoire en deux grandes parties :

  • En premier, la mémoire à long terme, qui comprend à la fois la mémoire procédurale (elle est implicite, et s’occupe d’enregistrer les actions automatiques comme la marche, le vélo, une tâche répétitive) et aussi la mémoire épisodique (qui permet de stocker les souvenirs avec une notion de d’espace et de temps : nos vacances, une leçon, une naissance etc. Bref, des épisodes de notre vie).

  • Ensuite, on trouve la mémoire à court terme qui est là pour stocker des informations de manière temporaire (un itinéraire, un numéro de téléphone, cette phrase…). Dans la mémoire à court terme on inclut également la notion de mémoire de travail (parfois les deux notions confondues).

  • La mémoire de travail a une fonction en plus que le simple stockage temporaire d’une information, elle permet de la manipuler, de la traiter pour en tirer des informations. 

Comme pour le développement, le cerveau subit de profondes modifications lors de la mémorisation; nouvelles connexions, connexions renforcées, modifications des neurones à leur surface, etc.

Un enfant porte la trophée suite à la victoire de son équipe

Les souvenirs épisodiques

Enfin, il y a une mémoire épisodique qui aide à se souvenir d'un moment précis de la vie. Les souvenirs ont, en quelque sorte, une durée de vie limitée, donc plus l'enfant est jeune, plus vite il oubliera quelque chose.

La mémoire épisodique est un fonctionnement du cerveau humain étroitement lié à un contexte spatial et temporel spécifique. Cette faculté inhérente est surtout engagée grâce au lobe temporal. Elle est étroitement liée à un état mental connu sous le nom de conscience autonoétique - la projection mentale dans le futur. Ensemble, ces deux fonctions nous aident à former un sens intégré de l'identité personnelle au fil du temps, tout en nous permettant d'imaginer des voies possibles pour notre moi futur.

Un enfant essayant de se souvenir de la bonne combinaison

L'apprentissage et la découverte

Lorsqu’un enfant apprend quelque chose pour la première fois, il créera de nouvelles connexions entre les neurones. Ces nouvelles connexions sont fragiles, c'est pourquoi il oubliera souvent ce qu'il vient d'apprendre. Cependant, s'il continue de s'entraîner, s'il répète la tâche ou révise l'information plusieurs fois, il l'ancrera plus profondément dans sa mémoire à long terme.

La répétition aide à renforcer les souvenirs. La répétition aide à renforcer les souvenirs

Pourquoi nous souvenons-nous des spots publicitaires de quand nous étions enfants et nous oublions certains souvenirs ? Pour se rappeler un souvenir, il faut que celui-ci soit d’abord bien encodé dans notre cerveau. Pour la mémoire procédurale, cela se fait très tôt. L’enfant apprend implicitement des mécanismes moteurs sans s’en rendre compte : marche, nage, vélo…En revanche pour retenir explicitement un souvenir il y a une technique très efficace : la répétition. Ce phénomène de répétition permet d’activer un mécanisme cérébral appelé consolidation. En étant exposé à nouveau à un souvenir, notre cerveau réactive les neurones impliqués dans ce souvenir et renforce leurs connexions. Plus ce phénomène est répété, plus le souvenir va s’inscrire profondément. Voilà pourquoi on dit également qu’il faut revoir une leçon plusieurs fois et non pas une fois la veille d’un examen. La mémoire se construit généralement dans la répétition et la durée. 

Le sommeil est vital pour enregistrer tout savoir-faire acquis

Dormir c’est vital pour les souvenirs

En plus d’impliquer plusieurs régions cérébrales, le processus de mémorisation ne les active pas toute en même temps. Parfois plusieurs heures plus tard, un transfert de l’activité se fait entre les régions du cerveau (notamment entre l’hippocampe et le cortex préfrontal ). Ce transfert est notamment présent lors des phases de sommeil, d’où l’importance de bien dormir pour favoriser sa mémoire. 

Est-ce que cela signifie que la mémorisation doit toujours se faire en plusieurs étapes ? En fait, le cerveau est également capable de retenir des souvenirs d’un seul coup, de façon quasi indélébile. Comme évoqué plus tôt, Lorsque le souvenir est lié à une émotion, qu’elle soit positive ou négative, une empreinte peut se faire de façon permanente dans notre cerveau. 

Souvenirs de l'enfance

Pourquoi on ne se rappelle pas son enfance ? 

Chez l’enfant la mémoire à long terme est déjà présente à l’ âge de trois ans. Encore imprécise (notamment pour la dimension temporelle d’un souvenir) elle s’améliore vite, et dès l' âge de 4 ans, l’enfant est capable de retracer la temporalité d’un événement. Le fait qu’on ne retienne pas beaucoup de souvenirs de quand nous étions jeunes enfants viendrait du fait que cette mémoire était à l’époque peu développée. Nous ne subirions pas une amnésie générale qui nous ferait oublier ses souvenirs mais nos souvenirs de l’époque n’étaient pas encodés de façon optimale ce qui explique pourquoi il est difficile de s’en rappeler une fois adulte.

À quoi sert la mémoire de travail ? 

Pour lire, écrire, réfléchir, nous avons besoin de notre mémoire de travail. Elle est également sollicitée dans le langage. Afin de comprendre le sens d’une phrase il faut en retenir les mots dont elle est composée, le contexte de ce qu’on a déjà lu. Il faut manipuler les mots et leurs sens. Cette mémoire se développe tôt chez l’enfant et augmente dès 4 ans pour être assez structurée vers 6 ans. Elle continuera d’évoluer et de se perfectionner jusqu’à l’adolescence. Elle passera d’une simple mémoire de stockage temporaire à un vrai traitement de l’information. Elle fait l’objet de beaucoup de recherches pour l’améliorer. Il a été montré que les performances de la mémoire de travail dans l’enfance sont corrélées positivement avec les performances cognitives à un âge plus avancé. 

Nos souvenirs sont un peu comme des données stocké dans la tête

La mémoire de travail, ça se travaille ? 

Plusieurs études ont tenté de montrer qu’un entraînement spécifique de la mémoire de travail pouvait avoir un impact positif sur l’intelligence en général. Malheureusement ces études font l’objet de controverses car elles ont été soit, non répliqués dans d’autres études, soit elles s’appliquaient à des cas très spécifiques (enfants hyperactifs, autisme etc.). Le fait est que l’entraînement intensif à des tâches de mémoire de travail spécifiques améliore les performances dans ladite tâche, et ne se transfèrent pas forcément à d’autres compétences. En clair, un enfant peut devenir un meilleur à un jeu de mémoriser mais cela ne s’étendra pas forcément à d’autres domaines. 

Peut-on développer ses souvenirs ?

Alors est-il inutile d’entraîner sa mémoire ? Non évidemment, il est toujours bon de faire fonctionner son cerveau. Mais comme pour beaucoup de mécanismes cérébraux, il faut surtout éviter les facteurs qui perturbent la mémoire (manque de sommeil, stress, substances) et privilégier des activités diverses pour accroître les possibilités de transferts de compétences. 

 Il faut également savoir que la musique est un excellent exemple de transfert de compétences musicales vers la mémoire verbale par exemple ou que l’activité physique permet d’améliorer les performances cognitives, ce qui fera l’objet d’un prochain article.

Pour découvrir plus sur le développement de l'enfant et la vie de parents je vous invite à parcourir le site. 

Références:

Episodic memory in 3‐ and 4‐year‐old children Harlene Hayne & Kana Imuta. Developmental psychology. 2011

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