Avis d'expert

La difficulté d'être parent aujourd'hui : pourquoi est-ce que cela a l'air si compliqué ?

parents
16 MIN

Les parents du 21ème siècle en font-ils trop pour leurs enfants ?

Il n'est pas rare d'entendre certaines personnes bien pensantes remettre en cause la légitimité de nos difficultés face à notre rôle de parents. Elles nous assurent que nos parents se posaient moins de questions, qu'aujourd'hui on en fait trop.

Les livres sur l'éducation abondent et sont parfois dévorés sans modération. Ils viennent avec leur lot d'injonctions contradictoires. Il arrive qu'à vouloir suivre les manuels à la lettre, on finisse par s'y perdre, surtout quand il s'agit d'éducation.

Pourtant le besoin de s'informer voire de s'éduquer à éduquer est bien réel. Alors comment faire ?

Il existe un océan (voire une galaxie) entre ne rien faire et tomber dans l’excès de zèle.

A aucun moment au cours de notre existence ou tout au long de notre parcours éducatif, on a considéré qu'apprendre à élever un être humain faisait partie des apprentissages essentiels. Alors évidemment quand il n'y aucune information, on se raccroche aux dogmes.

On peut conclure qu'au niveau du cursus pour apprendre à préparer un être humain à son existence future, on peut faire mieux : plus efficace et moins culpabilisant. 

La culpabilité : source de tous les tourments chez les parents

C'est là que tout commence : la culpabilité dont on accouche en même temps que l’on met au monde nos enfants.

Certains diront qu’il y a l’amour également. Mais l’amour n’arrive pas tout de suite pour certains. Il finit toujours par arriver mais il peut prendre un certain temps à éclore. La culpabilité, elle, arrive dès les premières secondes de vie in-utero. Ne serait-ce que la culpabilité de ne pas ressentir l’amour absolu que l’on nous avait promis. La culpabilité de ne pas avoir eu une discipline absolue pendant la grossesse. La culpabilité de ne pas savoir comment faire.  Bien souvent, l'enfant que l'on a en face de nous n'est pas l'enfant rêvé et fantasmé. C'est normal mais il faut apprendre à se détacher de ce que l'on attend et se mettre en mode découverte.

Bref, devenir parent c'est avant tout un terrain inconnu à découvrir pour tout le monde.

Alors me direz-vous, une fois les 3 années du post-partum, on devrait se sentir soulagés ? Fort de notre expérience de parent et une fois la fameuse matrescence passée, on devrait avoir trouvé notre style, notre rythme et être parfaitement ancré dans notre parentalité. Que nenni. Les questionnements sur le rôle des parents continuent. A chaque âge des nouvelles inconnues. Les enfants eux-mêmes nous interrogent et leurs réflexions, souvent existentielles, sont complexes. Nos réponses semblent parfois partielles, mal documentées, inadaptées. On ne se sent pas à la hauteur.

Dans certains cas, c’est l’absence de question qui pose problème : est-ce que cela cache un mal qui nous aurait peut-être échappé ? Quoi de pire pour un parent que de se dire qu’il est passé « à côté » de quelque chose ?

Mais si la culpabilité est inhérente à la condition de parent, pourquoi cela semble-t-il plus compliqué à vivre aujourd'hui que cela n'était le cas avant ? Etre parent est-il nécessairement un chemin de croix ?

Essayons de mieux comprendre pourquoi la pression est si forte pour les parents du XXIème siècle.

être parent : un vrai chemin de croix


Est-ce que les enfants ont vraiment besoin de leurs parents pour s'en sortir ?

La question est légitime : est-ce que les parents sont vraiment responsables de ce qu'il va advenir de leurs enfants ? Nous sommes 8 milliards d’êtres humains. Vivre sa vie est la chose la plus banale du monde. Il y a cette phrase que certains répètent au moment où les enfants commencent à ne plus porter de couches : « Je connais très peu d’enfants qui portent encore des couches à 18 ans », sous-entendu cela finira par se faire quoi qu’il arrive. On pourrait extrapoler et se dire que, quoi qu’il arrive, les enfants finiront par devenir adultes, par apprendre ce qu’il faut apprendre au moment où ils en auront besoin.

L'implication des parents est pourtant vitale. Les parents vont créer les fondements de la communication, de la confiance en soi, des relations sociales ou encore de la gestion des émotions. Ce cadre va être renforcé par l'école, le cercle social ou familial élargi mais les bases solides sont mises en place par les parents. Ceux qui n'ont pas eu la chance d'avoir ce cadre dans leur enfance vous diront bien que cela laisse des séquelles à vie s'ils ne sont pas accompagnés autrement.

Il est possible que par chance, les enfants trouvent les ressources par eux mêmes pour se construire, mais il n'y a aucun doute que le chemin sera bien plus simple avec un parent qui s'implique.

Alors, ouf ! Les efforts éducatifs ne sont pas vains. Les parents ont un vrai rôle à jouer.

Ah mince, ça sent tout d'un coup la vague de culpabilité qui revient : mais du coup, on fait quoi ? Comment on sait si on fait ce qu'il faut ? Et patati, et patata,...

Pourquoi on ne sent pas à la hauteur dans ce rôle et d'où vient ce questionnement constant ?

Sur les questions d'éducation : trop ou pas assez d'information

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L'ère des réseaux sociaux façonne notre vision de la parentalité

Près de 80% des parents aujourd’hui vont chercher leurs réponses aux questions d'éducation sur les réseaux sociaux.

Ce chiffre est affolant. Non pas parce qu’il n’y a pas des informations de qualité sur les réseaux sociaux. Il y a certainement de très bons conseils. Mais tout le problème réside dans le cheminement pour accéder à cette information de qualité. On doit d’abord passer par une myriade de comptes et autres influenceurs qui vont nous dépeindre une parentalité qui sent la rose et les pétales fraiches ou d’autres qui vous expliquent à quel point c’est ingrat d’être parent. Quand on finit par trouver des réponses, on a déjà le cerveau tout embrouillé et on finit par ne plus réaliser que des stories de 30 secondes ne sont pas représentatives d'un quotidien.

Des enjeux de taille sur lesquels les parents n'ont pas été formés 

Tout cela est d'autant plus contradictoire que sur ces questions d'éducation, on aimerait quand même des sources un peu plus robustes. On parle d’éducation, de préparer un être humain face à la vie. C’est plutôt complexe. Il ne viendrait pas à l’idée d’un médecin de chercher principalement sur les réseaux sociaux « Comment faire une opération à cœur ouvert ? » (même s’il est presque certain qu’on pourrait trouver la réponse sur You Tube). Il est possible que vous ne soyez pas vraiment en confiance face à un médecin qui aurait basé ses stratégies opératoires en utilisant comme source principale d’information les posts répondant au hashtag #operationacoeurouvertpourlesnuls #viedechirurgien.

La prise de conscience que les enfants sont aussi des individus

Dans les années 60, Françoise Dolto a peut-être aussi eu un rôle à jouer là-dedans : avant on ne voyait pas les enfants comme des êtres humains. En soi, c'était plus simple. Pas besoin de se poser des questions sur les enjeux, il n'y en n'avait pas. Mais notre bonne Françoise nous a fait sortir la tête du sable : elle a démocratisé l'idée selon laquelle les enfants sont des individus à part entière. Selon cette théroie, ce qui se passe au cours de cette période de la vie a un impact sur le développement global. 

Et comme ça, d'un seul coup, tout le monde a commencé à s'intéresser à la question : comment on éduque un enfant ? C'est une révolution mais aussi une contrainte supplémentaire.

Alors évidemment nos parents ont été les premiers à être imprégnés par cette approche : c'était une révolution alors le peu qu'ils pouvaient faire, c'était déjà pas mal. Ils ont posé les premières pierres et ils étaient fiers d'être précurseurs. La maladresse, les erreurs, les régressions étaient de l'ordre de l'acceptable. Et puis, cela a été notre tour : il a fallu (et il faut encore) faire encore mieux. Plus personne ne doute de l'importance de l'enfance, des conséquences de nos actes sur le développement de nos enfants : dès le premier jour, on vit dans l'angoisse de se dire que tout ce que l'on fait va être un marqueur dans la vie de nos enfants. On ne peut pas se rater. #bonjourlapression #mercifrancoisedolto.

(NDLR : nous avons bien conscience qu'il s'agit ici d'un raccourci sur les courants de pensées autour de l'éducation. Nous aimons Françoise Dolto et nous nous excusons de l'avoir sacrifiée pour simplifier la narration de cet article)

La réussite scolaire n'est plus une garantie pour la réussite professionnelle

L’école et le système éducatif ont depuis toujours été construits pour éduquer et instruire nos enfants. Mise à part ceux qui ont choisi la voie de l'éducation nationale, on n'a pas pensé que l'école pouvait aussi apprendre aux futurs adultes les bases de l'éducation : éduquer à éduquer en quelques sortes. Fut un temps où on apprenait à tenir un foyer, à répondre aux besoins ménagers mais on ne nous donne pas les clés pour savoir comment être parent. C’est peut-être là que le changement devrait s’opérer. Il ne s’agit pas de créer un diplôme de parent, mais simplement de donner quelques rouages comme on apprend à compter et à lire. Dans les deux cas, ce sont des bases nécessaires pour appréhender le monde qui nous entoure. 

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On se demande d'ailleurs à quoi l'école prépare nos enfants. C'est loin d'être une critique : la tâche de l'école est lourde, sa mission essentielle. Mais l'école elle même se pose la question : l'éducation est en pleine révolution et elle doit s'adapter aux nouveaux enjeux. Cependant la révolution prend du temps. Et la mise en place des changements encore plus. Alors c'est qui qui doit se taper tout le boulot pour compenser ? C'est bibi (enfin, le parent quoi !). Il faut dire que Bibi avait pas mal délégué ses responsabilités à ladite école : c'est au tour des parents de montrer un peu de solidarité envers les institutions éducatives. Cela dit, la question reste la même : on commence par où ?

Le numérique et l'écologie : deux enjeux fondamentaux pour les générations 2010 et 2020

Comment élever une enfant natif du digital quand on a grandi dans un monde sans ordinateur ou presque ?

Les enfants du XXIème siècle vivent dans un monde où tout va plus vite. Celui du numérique. Ce monde dans lequel, on peut trouver une réponse à une question en moins de 10 secondes. Quant à savoir si c’est la bonne réponse à la question, c’est une autre limonade. C’est donc une autre manière de penser où tout va plus vite, où tout est plus accessible, où les relations sociales se tissent différemment. C’est aussi un monde où l’on se regarde plus, où l’image joue un rôle crucial parfois cruel, où l’on a accès à tout et pourtant où l'on peut s’enfermer dans une bulle cognitive. Nous n’avons pas grandi dans cet univers, nous le maîtrisons mal et malgré tout, nous devons aider nos enfants à grandir dans cet environnement. C'est une contrainte additionnelle qui n'était pas un sujet de préoccupation pour nos propres géniteurs.

Un jour, on voudrait interdire les écrans pour se rassurer.

Le lendemain, on voudrait les voir devenir de vrais geeks pour être sûrs qu’ils s’en sortent.

Bref on ne sait pas comment faire.

L'urgence écologique demande aux enfants de penser et agir différemment de leurs parents

Autre complexité : le sens de l’urgence face aux enjeux écologiques. Nous avons bien conscience qu’il va falloir se défaire de certaines de habitudes. Il n’y a rien de plus compliqué que de désapprendre. Évidemment nous voudrions enseigner à nos enfants les bons gestes dès le début. Ce serait un peu absurde d’élever des enfants d’une certaine manière pour qu’ils doivent ensuite tout désapprendre avant d’atteindre la puberté. Mais finalement, que doit-on leur apprendre ? Comment leur transmettre le sens de l’urgence sans créer de des angoisses ? Concrètement comment agir ? C'est là une énorme source de tension pour les parents qui ne refusent l'attentisme mais n'ont aucune certitude sur les actions à prendre qui auront un réel impact positif

La solitude : le chemin de croix du parent

C’est quand même passionnant de se poser toutes ces questions :  se demander ce que l’on est censés transmettre à ces petits êtres en devenir pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes et changent le monde…Sauf que c’est aussi très effrayant, voire décourageant de se dire que l’on est presque seuls face à cette tâche. En effet, jamais les parents n’ont été aussi seuls. La famille proche est souvent éloignée géographiquement. L’école n’est plus une garantie de réussite. L’individualisme minimise le rôle de la communauté. La famille se transforme aussi et il n'existe pas un seul schéma ou modèle de parents.

Alors autant dire qu’on a beau vouloir être très engagé dans l’éducation et la vie des futurs leaders du monde de demain (c'est-à-dire nos enfants), on reste des êtres humains et la tâche semble presque impossible surtout que, comme on l’a évoqué avant, mise à part notre propre expérience en tant qu’enfant et l’avis de notre belle-mère, on n’a pas beaucoup d’outils à disposition. 

Il est donc crucial de trouver un moyen de recréer les liens, d’aider les parents à s’informer, à trouver des réponses à leur question dans un environnement fiable et déculpabilisant. L’éducation est propre à chacun, c’est pour cela que de chercher des réponses spécifiques est parfois très compliqué. 

Alors, les réponses ne se trouvent pas dans cet article. Ceci dit, elles se trouvent en partie sur notre site, 123kid.org dont c'est la mission : donner des clés aux parents (sans donner des leçons). 

Si tout ne peut pas se résumer en un article, nous voulions tout de même dire que c'est chouette d'être parent. Alors ceci est un appel pour faire redescendre la pression ! Voici quelques idées ci-dessous pour améliorer votre quotidien de parent,

5 idées pour redonner envie d' être parent

C'est vrai que vu comme ça, ça ne donne pas vraiment envie d' être parent. La difficulté de la tâche peut donner envie de renoncer à la parentalité. Mais en réalité, il y a plein de bonnes raisons pour vouloir continuer :

  • Parler. C'est dur d'être parents et on a le droit de dire

L'une des choses qui nous différencie de nos propres parents, c'est le fait qu'on a le droit de dire que c'est dur. Libérer la parole, c'est déjà un grand pas en avant. Le fait de demander de l'aide n'est pas un problème et ne sera pas mal interprété. Même les entreprises s'impliquent de plus en plus dans le bien être de l'employé qui est aussi parent.

  • S'informer sans se noyer dans l'information

Pourquoi sommes-nous tétanisés à l'idée de ne pas être à la hauteur ? La première raison est que l'on a aucun point de référence : à l'école, personne ne nous a appris à être parent. Notre enfant est un mystère que l'on doit découvrir jour après jour. Si s'informer aide, il ne s'agit pas non plus de se noyer dans tous les livres sur la parentalité qui existent : il est important de comprendre mais les solutions proposées sont rarement magiques. On s'informe pour se rassurer. On fuit les sources qui nous angoissent. Et on se crée un réseau de sources d'information qui semblent fiables et utiles (comme 1,2,3 kiD par exemple. Au hasard).

  • Se faire confiance.

Cela peut sembler un peu basique mais c'est certainement le point le plus important. Se faire confiance, c'est s'informer mais avec une oeil critique. Se faire confiance, c'est ne pas tomber dans le piège des injonctions : si une pédagogie miracle vous a été présentée mais que cela n'est pas possible à mettre en pratique pour vous, c'est vous qui avez raison. Se faire confiance, c'est aussi mieux sentir ses limites. Car c'est bien là le risque principal : craquer. Alors on reste pragmatique et on garde le cap.

  • Simplifier. Choisir ses batailles

On ne peut pas gagner sur tous les fronts. On ne peut pas exceller partout. On peut beaucoup pour nos enfants mais on ne peut pas tout. Alors on choisit ses batailles : ce à quoi on ne dérogera pas et qui a de l'importance pour nous. Sur le reste, on lâche du lest. Vous ne pouvez pas les emmener en cours de poterie le mercredi soir ? Ce n'est pas si grave. En revanche si pour vous c'est important de partager des repas en famille tous les soirs, organisez-vous pour que cela soit possible. C'est une question de choix et il faut juste être conscient. L'exercice de la balance peut être très utile pour savoir comment faire ces choix.

  • Se remettre en cause

Si vous sentez que cela ne va pas : n'hésitez pas à tout remettre à plat. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Ce qui fonctionne aujourd'hui ne fonctionnera peut-être pas demain. C'est un ajustement permanent. Il faut simplement accepter que l'équilibre requiert d'être toujours en mouvement.

Et quand rien ne va, il reste l'humour

Enfin dernier élément : l'humour. C'est grâce à l'humour que l'on garde la communication ouverte. Quoi qu'il arrive quand on se sent dépassé, on relativise : faire du mieux que l'on peut et créer un environnement bienveillant, c'est ce qu'il y a de plus sécurisant pour les enfants. Savoir qu'il peuvent rire de ce qui ne va pas est aussi un moyen de dédramatiser les choses.

Allez, on se recontacte d'ici 15 ou 20 ans et on en reparle avec nos enfants qui auront eu des enfants.

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